Propos recueillis par François Maurisse
Publié le 30 juillet 2017
Pause estivale pour certains, tournée des festivals pour d’autres, l’été est souvent l’occasion de prendre du recul, de faire le bilan de la saison passée, mais également d’organiser celle à venir. Ce temps de latence, nous avons décidé de le mettre à profit en publiant tout l’été une série de portraits d’artistes. Figure établie ou émergente du spectacle vivant, chacune de ces personnalités s’est prêté au jeu des questions réponses. Ici la scénographe et éclairagiste Caty Olive.
Formée à l’École Nationale Supérieure des Arts Décoratifs de Paris, Caty Olive produit depuis les années 2000 des scénographies lumineuses pour des espaces muséaux et architecturaux, mais développe également une relation particulière avec le spectacle vivant. Elle a notemment collaboré avec Claudia Triozzi, Vera Mantero, Joris Lacoste, Valérie Belin, Myriam Gourfink ou Emmanuelle Huyhn. Mais c’est surtout avec le chorégraphe Christian Rizzo qu’elle entretien un rapport privilégié. Cette année, nous avons pu faire l’expérience de ses installations lumineuses dans les deux dernières créations de ce dernier : le syndrome Ian et Ad Noctum.
Quel est votre premier souvenir de spectacle ?
Les Mélodies du malheur du professeur Brillantini, de Jérôme Savary (1981) spectacle vu en famille au sortir de l’enfance, le plus tenace de mes souvenirs anciens de spectatrice, immortalisé par l’infinie tristesse d’un couple de soeurs siamoises.
Quels sont les spectacles qui vous ont le plus marquée en tant que spectatrice ?
Parce qu’il constitue un manifeste pour moi, Duo de William Forsythe (1996). Pour avoir découvert à travers cette pièce, qu’une émotion excitante pouvait être purement intellectuelle, Jerôme Bel de Jérôme Bel (1995). Pour avoir vécu une véritable expérience sonore, le concert de My Bloody Valentine à Roseland à New-York, qui m’a traversée. Parce qu’il m’a mis sous les yeux une forme de radicalité, Une femme normale à en mourir de Jan Fabre avec Els Deceukelier (1995). Pour le réjouissement de la vitesse et de la musicalité, Le Couronnement de Poppée de Anne Teresa de Keersmaeker (1988).
Quel sont vos souvenirs les plus intenses parmi tous les projets auxquels vous avez collaboré ?
Les souvenirs les plus significatifs du point de vue de l’intensité le furent chacun pour des raisons très différentes. Pour en nommer quelques uns, je me souviens très clairement dans quelle liberté artistique et relationnelle fut créée avec Vera Mantero et l’équipe que vous formions, la pièce Poesia y selvajeria en 1997 à Lisbonne. Quatre ans plus tard, je participais en France à la création de et pourquoi pas : « bodymakers », « falbalas »
Quelle collaboration artistique a été la plus importante dans votre parcours ?
Ma collaboration avec Christian Rizzo, qui dure depuis 18 an, est la plus importante, indéniablement. Mais ma toute première collaboration artistique a été déterminante aussi, car il me semble y avoir posé certaines des bases de ce qui me constitue en tant que créatrice. C’était avec Martine Pisani, je sortais de l’école, je créais ma première scénographie lumineuse presque sans conscience de le faire, avec une légèreté qui me surprend aujourd’hui.
Quelles oeuvres théâtrales / chorégraphiques composent votre panthéon personnel ?
Bien que consciente que le fait de ne nommer qu’une seule oeuvre est tout fait exagéré : Jérôme Bel par Jérôme Bel, pièce découverte en 1995 au Théâtre de la Bastille. Une claque.
Quels sont les enjeux de la danse aujourd’hui ?
L’enjeu de proposer des formes d’art vivant serait de créer et d’enrichir sans cesse un espace de valeurs plus riche que le champ de la consommation des produits disponibles et des formats entendus. Une véritable attention à la création, un questionnement sur les méthodes de fabrication devenues des usages appauvrissants me semblent indispensables car le paysage de la danse compte lui aussi bon nombre de ces produits disponibles. Et puis il faudrait financer le temps d’inventer.
À vos yeux, quel rôle doit avoir un artiste dans la société aujourd’hui ?
L’écriture artistique d’un créateur, qui constitue une forme organisée de sa sensibilité offerte au monde, nous invite de façon injonctive ou sous-jacente, à ouvrir plus largement le champ de nos perceptions et de notre entendement. Les artistes ont ainsi peut-être la capacité et la prétention de renouveler ou d’activer un certain nombre d’outils de captation et de compréhension. Sans doute nous permettent-ils, quand nous nous en emparons, d’être nous aussi « des yeux qui écoutent »…
Photo © Arthur Pequin
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