Par Wilson Le Personnic
Publié le 2 octobre 2015
Issue d’un parcours pluridisciplinaire entre danse, musique expérimentale et pratiques performatives, Nina Santes conçoit la scène comme un espace de fabrication sensible, un atelier d’expériences où le geste, la voix et la matière sonore s’enlacent. Formée au croisement de ces langages, elle développe au sein du programme Transforme à l’Abbaye de Royaumont, sous la direction de Myriam Gourfink, une recherche sur le mouvement et l’écoute qui l’amène à signer avec Kasper Toeplitz Désastre, un concert chorégraphique où le corps devient caisse de résonance. Ces recherches entre concert et pièce chorégraphique se concrétisent dans Self Made Man, solo dans lequel elle déploie un chantier plastique et sonore, tissé d’utopies minuscules et de gestes bricoleurs.
Travestie sous un bonnet et une chemise trop grande, Nina Santes invente un corps traversé par d’autres possibles.Chantier corporel, visuel et sonore, Self Made Man est une lente construction réalisée à vue, dans un dialogue subtil entre outils, matières et voix. À l’aide d’une table de mixage, d’un micro et de morceaux de bois, elle élabore des structures fragiles et instables. Ses gestes, son comportement, sa voix, tout converge à la rendre méconnaissable : son corps s’efface au profit de celui d’un créateur obstiné, artisan d’un monde intérieur en mutation. La scène est une friche qui se métamorphose peu à peu en un paysage mouvant où s’entrelacent sons, formes et respirations, comme dans un rêve.
Nina Santes offre avec Self Made Man une hypnotisante performance riche en images perceptibles et insaisissables. Du chaos émerge une lumière, d’une incroyable clarté, celle d’un événement intime et indicible, où le corps devient outil, paysage et mémoire en mouvement, oscillant sans cesse entre fragilité et puissance sourde. Chaque geste semble activer une strate enfouie, réveiller des possibles oubliés, dans un lent travail de métamorphose.
Vu au festival Plastique Danse Flore à Versailles. Conception et interprétation Nina Santes. Scénographie Celia Gondol. Lumière Annie Leuridan. Photo Annie Leuridan.