Par Sibylle Tailler
Publié le 4 novembre 2014
Le portrait William Forsythe proposé dans le cadre du Festival d’Automne donne l’occasion de voir plusieurs pièces marquantes du chorégraphe. Durant quelques jours, le Théâtre de la Ville a ainsi accueilli le Semperoper Ballett de Dresde, dont les danseurs ont interprétés trois pièces entrées à son répertoire ces dernières années : Steptext, Neue Suite et In the middle Somewhat Elevated.
Créé en 1985, Steptext est un ballet pour une danseuse et trois danseurs. L’abstraction du décor minimaliste et la simplicité des costumes (justaucorps noirs pour eux, justaucorps rouge vif pour elle) accompagnent l’épure du mouvement. Dans une suite d’apparitions et de disparitions, les interprètes se croisent et se séparent : de la rencontre de deux ou trois danseurs sur scène semble naître la danse. Celle-ci, très précise et millimétrée, est pourtant très sensuelle. La pureté des gestes s’appuie sur l’étonnante contradiction entre la souplesse déliée des corps et la tension des lignes anguleuses qu’elle engendre. Tout ici se conjugue pour que l’on contemple un véritable tableau dansé.
Neue Suite a été créée en 2012 pour le Semperoper Ballett de Dresde. Il y a rassemblé neuf pas de deux qui ont marqué son oeuvre. Ces neufs morceaux se succèdent, partant d’un schéma très classique jusqu’à des propositions qui s’en éloignent et le transgressent. Les dix-huit danseurs font preuve d’une technique remarquable, mais sont surtout très expressifs et le plaisir qu’ils ont à danser est évident et enthousiasmant. Toutefois, s’il est particulièrement réjouissant et ludique de voir ainsi le vocabulaire classique se déconstruire sous nos yeux pour devenir celui qui a été inventé par le chorégraphe au fil du temps, on ne peut s’empêcher de regretter l’aspect presque didactique que revêt ce genre de compilation.
Heureusement, c’est bien à un ballet en soi auquel on assiste par la suite, avec In the Middle, Somewhat Elevated (1987), qui fait partie de ces moments de danse durant lesquels on retient son souffle. La chorégraphie de William Forsythe et la musique de Thom Willems s’accordent parfaitement en une harmonie où le contretemps et la dissonance viennent s’infiltrer subrepticement ou violemment dans la fluidité des mouvements et du rythme. Les mouvements de groupes et les solos s’enchaînent et se superposent avec virtuosité, dans un élan où la rigueur et son contournement s’entremêlent dans un lyrisme implacable.
Vu au Théâtre de la Ville, dans le cadre du Festival d’Automne à Paris. Photo Ian Whalen.