Photo Jan Martens

Jan Martens « Honorer le passé et vénérer le futur »

Propos recueillis par Wilson Le Personnic

Publié le 4 août 2017

Pause estivale pour certains, tournée des festivals pour d’autres, l’été est souvent l’occasion de prendre du recul, de faire le bilan de la saison passée, mais également d’organiser celle à venir. Ce temps de latence, nous avons décidé de le mettre à profit en publiant tout l’été une série de portraits d’artistes. Figure établie ou émergente du spectacle vivant, chacune de ces personnalités s’est prêtée au jeu des questions réponses. Ici, le danseur et chorégraphe Jan Martens (1984).

Diplômé du Conservatoire Royal d’Anvers Artesis, Jan Martens travaille ensuite avec entre autres Mor Shani, Tuur Marinus et Ann Van den Broek. Après plusieurs pièces remarquées en Europe, le jeune chorégraphe flamand s’impose sur le devant de la scène chorégraphique internationale avec sa pièce The Dog Days are Over. Après son solo Ode to the Attempt présenté en juin dernier au Théâtre des Abbesses, Jan Martens reviendra au Théâtre de la Ville avec sa dernière création Rule of Three en novembre prochain à l’Espace Pierre Cardin dans le cadre du Festival d’Automne à Paris.

Quel est votre premier souvenir de danse ?

Sortir. Mon frère aîné adorait la musique new wave et m’emmenait avec lui en soirées. Danser et danser de manière répétitive sur cette musique jusqu’à entrer en transe. Et ensuite essayer d’atteindre cet état de transe dans ma propre chambre à coucher. Danser de manière super étrange et maladroite. Je donnerais ma vie pour avoir des vidéos de ces moments là.

Quels sont les spectacles qui vous ont le plus marqué en tant que spectateur ?

As long as the world needs a warrior’s soul (2000) de Jan Fabre. Il m’a laissé une grande impression lorsque je l’ai vue, à 17 ans. C’était ma première rencontre avec la danse et le théâtre contemporains. Puis voir Fase, Four Movements to the Music of Steve Reich (1982) d’Anne Teresa De Keersmaeke en vidéo, à l’âge de 18 ans. Frappé par le pouvoir émotionnel et la simplicité complexe. Wasteland par Lotte Van Den Berg, présenté dans un terrain vague en dehors de la ville, une pièce de théâtre muette qui traitait des aspects les plus sombres de l’être humain. C’était le premier spectacle que j’ai vu qui plaisait si peu à un public.

Quelles rencontres artistiques ont été les plus importantes dans votre parcours ?

Je pense que le fait de naître en Belgique a autant été un cadeau qu’une influence. Les spectacles de théâtre et de danse qui se produisaient dans tout les théâtres en Flandre et à l’étranger à la fin des années 90 ont été les premières références que j’ai eu avec l’art contemporain. Je suis très reconnaissant de ces premières rencontres qui m’ont beaucoup influencé. Je pense que les références avec lesquelles j’aurais grandi aux Pays-Bas, en Italie, en Angleterre ou aux Etats Unis n’aurait pas été aussi bénéfiques.

Quels sont les enjeux de la danse aujourd’hui ?

De continuer à renouveler la forme artistique. Être conscient du public et de comment se connecter avec eux. La danse devrait regarder plus loin de ce qui est actuellement en vogue. Nous sommes tellement occupés à essayer de trouver des fils rouges dans des œuvres contemporaines, à essayer d’y voir des tendances, à les épingler et les mettre dans des boîtes. Je pense qu’il est aujourd’hui important de maintenir la diversité en vie, de reconnaître les différents besoins des différents publics. Et bien sûr, d’honorer le passé et de vénérer le futur.

À vos yeux, quel rôle doit avoir un artiste dans la société aujourd’hui ?

Il doit être très diversifié. Chaque artiste devrait être capable d’avoir un rôle différent, une ambition différente. Parfois, je pense que les gens attendent trop des artistes. En tant qu’artiste, il faut créer ce qu’on a envie de créer, mais il faut aussi penser à atteindre un public, à renouveler les formes de la danse, à partager de nouvelles idées et de nouveaux points de vue, et sans doute aussi de changer les perceptions. Idéalement faire tout en même temps. Mais c’est peut être trop en demander.

Photo © Studio Rios zertuche