Propos recueillis par Wilson Le Personnic
Publié le 23 août 2017
Pause estivale pour certains, tournée des festivals pour d’autres, l’été est souvent l’occasion de prendre du recul, de faire le bilan de la saison passée, mais également d’organiser celle à venir. Ce temps de latence, nous avons décidé de le mettre à profit en publiant tout l’été une série de portraits d’artistes. Figure établie ou émergente du spectacle vivant, chacune de ces personnalités s’est prêtée au jeu des questions réponses. Ici le circassien Tsirihaka Harrivel.
Repéré en 2011 dans le collectif Ivan Mosjoukine avec le spectacle désormais culte De nos Jours [Notes on the Circus] aux cotés d’Erwan Ha Kyoon Larcher, Maroussia Diaz Verbèke et Vimala Pons, Tsirihaka Harrivel a depuis également collaboré avec Christophe Huysman, Mathurin Bolze et Dominique Dupuy. En 2017, il retrouve son acolyte Vimala Pons avec laquelle il co-signe un des plus beaux spectacles de l’année : GRANDE –. Ce duo exceptionnel sera de nouveau en tournée la saison prochaine aux quatre coins de la France.
Quel est votre premier souvenir de cirque ?
La première vision : un cirque qui se monte sur une place à Rouen. Le premier regard : un film en noir et blanc, un âne fou, un lion endormi, un chien nerveux. La première pratique : des saltos depuis un muret de l’école Gros Bouquet 2 de Libreville à 8 ans. Le premier choc de spectateur : voir le grand Bonaventure Gacon en vrai à 17 ans, il y a 17 ans. La première phrase sur le cirque qui fait mouche : « Le Cirque, c’est ce qui ne se fait pas » de Johann Le Guillerm. Et la première pirouette sur mon Cirque par rapport au Cinéma : au Cirque il y a le montage et le démontage (…du chapiteau).
Quel est le spectacle qui vous a le plus marqué en tant que spectateur ?
Voir mon grand père essayer de mettre une VHS dans le lecteur, le regarder essayer de trouver le bouton Play avant de voir apparaître une image en noir et blanc du logo des films de Charlie Chaplin Les Lumières de la ville (1931), La Ruée vers l’or (1925), Les Temps modernes (1936), Le Kid (1921), Le Dictateur (1945) ou le Le Cirque (1969), puis voir à la fin mon grand père chercher le boutons Stop. C’est un tout qui s’est répété une centaine de fois devant moi avec le même protocole, les mêmes films de Chaplin et la même joie à l’arrivée. C’est le tube de mon enfance : un juke-box-ciné-spectacle.
Quel est votre souvenir le plus intense en tant qu’interprète ?
J’ai commencé la trompette à huit ans et j’étais moyen. J’ai commencé à jouer dans un orchestre harmonique comme troisième trompette avant de devenir première trompette. J’ai commencé à jouer les solos écrits. On jouait les musiques de films ou de dessins animés qui sortaient au cinéma. Je me souviens de la sortie de Pocahontas de Disney. Il y avait un solo de trompette avec une attaque en La aigu, et à chaque fois que je jouais ce solo, les clarinettes et les saxophones se retournaient et me regardaient. Je n’ai jamais su si c’était pour dire « ouah » ou dire « pouah » mais l’effet était là. En soufflant, je sentais que je pouvais faire quelque chose, des ailes me poussaient dans le dos.
Quelle rencontre artistique a été la plus importante dans votre parcours ?
Vimala Pons, ma partenaire, my larder.
Quelles oeuvres composent votre panthéon personnel ?
Il y en a beaucoup, des bouts surtout. Il y a le concert quadriphonique de La Colonie de Vacances, Ça Quand Même (2004) de Denis Mariotte et Maguy Marin, Belle Course de Gus Sauzay, et Robert Wyatt qui chante Alifib à la télévision Française avec des ballons multi-couleurs et un piano à queue.
Quels sont les enjeux du cirque aujourd’hui ?
Les enjeux du Cirque ne changent pas vraiment depuis deux cents ans : se péter la gueule en se répétant « explosion d’un esprit qui devient libre ». Une amie proche, Leni Peickert, m’a dit un jour « Je veux changer le Cirque ». Je lui ai répondu « Comme tu l’aimes, tu ne le changera pas. » « Pourquoi ? » « Parce que l’amour est conservateur ». C’est un peu ça, le Cirque. Elle m’a ensuite répondu « Ce n’est pas vrai » et elle a fait son cirque. Alors voilà, c’est aussi ça, le Cirque : une révolte de l’esprit transformée en acte.
À vos yeux, quel rôle doit avoir un artiste dans la société aujourd’hui ?
Il doit surtout veiller à écrire et tenir le rôle de sa vie… Comme tout le monde quoi… Jusqu’à la fin !
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