Photo Cie XY Mobius c Christophe Raynaud De Lage scaled

Compagnie XY, Möbius

Propos recueillis par Wilson Le Personnic

Publié le 21 septembre 2020

Depuis plus de 15 ans, la Compagnie XY se réinvente à chaque projet et revendique avec ferveur un système de travail horizontal où le « collectif » est placé au centre de ses processus de création et de sa philosophie. Souhaitant confronter leurs pratiques acrobatiques à d’autres regards et sensibilités, chaque nouvelle pièce est l’occasion pour cette équipe de haut vol de collaborer avec des invités aux parcours artistiques complémentaires. Leur dernière création Möbius invite le chorégraphe Rachid Ouramdane et explore les possibilités de la figure acrobatique académique à travers le phénomène de murmurations. Cet entretien croisé rend compte de l’ambitieuse démarche de cette compagnie et donne la parole à plusieurs de ses membres : Airelle Caen, Antoine Billaud, Alejo Bianchi ainsi qu’au chorégraphe Rachid Ouramdane qui revient sur sa rencontre avec cette équipe singulière.

La Compagnie XY a plus de quinze ans. Pouvez-vous revenir sur la genèse de cette troupe ?

Antoine Billaud : On pourrait commencer cette histoire comme un conte pour enfant : « Il était une fois quatre artistes acrobates à peine sortis d’école et leur deux professeurs. Dans le prolongement naturel de leur rencontre, il décidèrent de créer ensemble un spectacle autour des portés acrobatiques… ». Pas certain que cela donne un bon livre mais c’est bien ainsi que tout a commencé avec le spectacle Laissez-Porter en 2004. Il n’y avait alors pas d’ambition de fonder une compagnie avec une ligne artistique qui pourrait se dessiner dans le temps. Et pourtant ce premier spectacle a posé les bases d’une identité qui est encore à l’œuvre aujourd’hui : une discipline et une passion commune pour les portés acrobatiques, le brassage des générations, la création collective, cette idée que la transmission n’est pas un chemin à sens unique, du haut vers le bas mais que tout le monde a quelque chose à apporter et à apprendre de l’autre, un sens de la solidarité et de l’engagement et une grosse capacité de travail. Ces réflexions peuvent paraître comme des vœux pieux et utopiques mais se matérialisent concrètement au coeur de notre compagnie : ce sont des milliers d’heures d’échauffement, de préparation physique, de travail à la longe, de réunions en tout genre, de conduite, de chargements et de déchargements… Il ne s’agit donc pas pour nous de suivre une recette magique mais plus une forme d’éthique. Il n’y a pas de guide pratique ou de « code XY » qui serait intangible si ce n’est cet enjeu, à chaque création, de remettre les compteurs à zéro et d’oser expérimenter, d’aller sur des terrains inconnus.

Comment le projet de la compagnie s’est-il développé au fur et à mesure des projets ?

Antoine Billaud :  Après le succès de Laissez-Porter, les six fondateurs de la compagnie ont souhaité poursuivre le travail autour d’une idée un peu folle : « Et si maintenant on remplissait le plateau d’acrobates, que serions-nous capables de produire ? ». Ce nouveau défi a donné Le Grand C en 2009 que nous avons mis près de 2 ans à monter. Le plateau n’était pas rempli d’acrobates mais nous étions tout de même 19 ! Ce fut une petite révolution pour nous. C’est à partir de là et surtout avec le spectacle suivant Il n’est pas encore minuit… en 2014 que se sont mis en place de véritables savoir-faire au sein du collectif : une capacité à transmettre la technique, une capacité à produire de l’intelligence collective plutôt que du nivellement par le bas, une capacité d’organisation… L’arrivée de jeunes artistes sur chaque création a permis au collectif de se régénérer en permanence tout en bénéficiant des recherches passées. La compagnie a également commencé à avoir une visibilité à l’international. De ces tournées sous d’autres horizons sont nées aussi de nouvelles idées et de nouvelles envies. C’est ainsi qu’est arrivée la proposition des Voyages en 2018, une série de créations In situ qui place l’acte de porter et d’être porté au plus près des gens dans l’espace public. Il faut dire aussi que nous avons eu la chance d’être soutenus par des partenaires fidèles même s’ils n’étaient pas nombreux au début. C’est précieux et c’est loin de n’être qu’une histoire de financement…

Votre compagnie revendique un système horizontal et met le « collectif » au centre du travail et de sa philosophie. Comment ces réflexions se matérialisent-elles dans la vie de la compagnie et dans les processus créatifs ? 

Airelle Caen : L’idée d’un fonctionnement horizontal est un des pilier de nos recherches. Ce « faire ensemble » touche toutes les parties de notre travail. Il est d’abord inhérent à la pratique acrobatique en grand nombre mais s’est toujours appliqué à nos processus de création et dans notre fonctionnement politique, économique et décisionnaire de compagnie. L’Autre est une nécessité dans le travail des portés acrobatiques, rien ne peut exister sans lui. Le travail acrobatique en grand nombre nous plonge dans cette absolue nécessité du faire ensemble. Sans les autres, on ne vole pas haut, sans les autres pour nous rattraper en cas de chute le sol serait un ennemi et l’apesanteur une force qu’on ne peut défier. Nos processus de créations tendent eux aussi à éprouver cette horizontalité. Nos spectacles naissent de partages d’idées, de frottements entre les univers de chacun. On navigue en permanence entre fournir des propositions et lâcher prise. L’essentiel étant de « sentir » vers où la pièce en création semble se diriger et souffler dans cette direction qui n’est pas forcément celle du notre goût personnel. Les idées naissent d’un artiste, d’un collaborateur et rebondissent chez les autres. Au final, ce qu’il en reste n’a aucune forme d’appartenance.

Ce type de processus produit intrinsèquement un trouble dans la notion d’auctorialité de l’oeuvre…

Airelle Caen : On défend profondément l’idée de l’œuvre collective ce qui n’est pas une mince affaire tellement les gens ont cette habitude – parfois même ce besoin – d’avoir un « chef », un directeur, un référent unique… On a tous différentes intrigues, inspirations mais lorsqu’on sent une intrigue commune : c’est que c’est la bonne ! Quand 20 personnes sont d’accord et regardent dans la même direction, œuvrent dans le même sens, c’est d’une force et d’une justesse incroyable. Même si c’est rare, ça nous donne des ailes… Nous sommes en quelques sorte des chercheurs en fonctionnements collectifs. C’est souvent notre pratique qui nous guide vers certaines théories de fonctionnement et non la théorie qui initie le mouvement. À chaque création, nous tentons d’inventer de nouvelles modalités qui collent au présent de la compagnie. C’est comme si nous travaillions à développer un sens de l’adaptation permanente. Chaque changement d’équipe, chaque choix de collaborateur, chaque décision sur l’orientation de la compagnie a une influence sur nos manières d’œuvrer ensemble. Nous sommes à l’affût de l’équilibre entre efficacité et long terme dans nos décisions collectives. Nous cherchons en sous-groupes, nous nous donnons mandat, nous sommes leader ou suiveur en alternance, nous sommes « au service » et acteur en même temps. Nous cherchons à nous structurer autour du bien commun, de la co-responsabilité, et de la profonde acceptation dans ce que chacun peut donner à la hauteur de ses moyens.

Rachid Ouramdane : Les artistes du collectif sont à la fois les interprètes et les co-inventeurs du projet, un peu comme on l’entend souvent en musique ils sont « auteurs-interprètes ». Il est important de le redire car ils créent des choses dont je n’aurais jamais eu idée. Möbius est vraiment l’endroit de rencontre de leur écriture et de la mienne. La question n’est donc pas de savoir qui signe quoi mais plutôt quelle place nous nous sommes laissée les un.e.s et les autres et qu’est-ce que nous avons su réaliser ensemble que nous n’aurions pas su faire isolément. Depuis le début de la tournée de Möbius, la question de savoir qui a fait quoi dans cette œuvre collective intrigue. Comme tout le temps dans une œuvre à plusieurs il est très difficile de savoir comment sont nées certaines idées et intuitions, elles apparaissent dans la complicité d’un temps partagé qui nous conduit vers une écriture où il y a de chacun de nous.

Après avoir invité le chorégraphe Loïc Touzé sur votre spectacle Il n’est pas encore minuit… en 2014, votre dernière création Möbius est en collaboration avec le chorégraphe Rachid Ouramdane. Comment est né le désir/la nécessité d’ouvrir votre travail à des chorégraphes contemporains ? Comment « choisissez » vous ces « invités » ?

Airelle Caen : Nous avons toujours souhaité confronter notre travail à d’autres regards extérieurs d’artistes, pas seulement des chorégraphes. Le choix de nos collaborateurs se fait en fonction des intrigues qui se dessinent au préambule des créations. Certaines personnes proches de la compagnie qui connaissant bien notre travail ont souvent été de bon conseil en avançant des noms de metteurs en scène, chorégraphes potentiellement prêts à collaborer. Le premier spectacle d’ XY, Laissez-porter fut créé avec la contribution de Christian Lucas, metteur en scène. Puis nous avons rencontré Loïc Touzé. Le grand C était notre première création collective en grand nombre et tout était à découvrir : fonctionnement, acrobatie… Nous avons aimé la délicatesse de Loïc avançant à tâtons dans un travail méconnu pour lui comme pour nous. Nous avons prolongé la collaboration pour Il n’est pas encore Minuit…, comme pour creuser un peu plus le travail esquissé. Puis quand nous avons décidé de relancer une création autour des murmurations, un ami commun nous a parlé de Rachid, la rencontre fut comme évidente.

Comment imaginez-vous ces « espaces de dialogues » ?

Airelle Caen : Nous sommes un grand collectif et même si l’acrobatie nous rassemble, nous avons tous des sensibilités et des univers différents. Le travail avec ces regards extérieurs permettent de créer du commun. Ils posent des mots qui nous rassemblent, ils guident vers un même imaginaire. C’est une richesse de pouvoir naviguer de rencontres en rencontres et de confronter nos matières aux leurs. Ce qui nous intéresse au-delà de l’univers du collaborateur avec lequel nous choisissons de travailler c’est son rapport à l’ouverture, à la curiosité. Comment ils s’emparent de notre matière et vice-versa. Comment chacun bouge ses lignes en allant vers l’autre. Nous tenons à l’idée que notre acrobatie est un langage à part entière. Nous ne sommes pas interprètes d’un metteur en scène ou d’un chorégraphe, nous cherchons ensemble à faire se rencontrer nos univers respectifs non en « habillant » notre acrobatie mais en créant une nouvelle matière qui devient commune. On imagine la création comme un dialogue permanent, des aller-retours, des échanges d’idées, le cadre d’un laboratoire de recherche permanent et multiple. Nos collaborateurs ne sont pas avec nous sur toute la période de création, ce qui nous donne le temps, non seulement d’avancer dans notre acrobatie mais aussi de chercher dans certaines directions puis dans un second temps de confronter nos recherches qui maturent et se transforment à leur contact, avec leur regard et leur présence. À l’inverse, nos collaborateurs lancent un atelier, une idée, une trame et nous l’absorbons, la faisons nôtre.

Quels potentiels avez-vous vu dans le travail de Rachid Ouramdane ? 

Alejo Bianchi  : Après d’avoir vu sa pièce Murmuration avec les danseurs du CCN – Ballet de Lorraine nous avons tout de suite vu l’intérêt d’une collaboration au sein de laquelle nos univers pourraient se conjuguer et se nourrir l’un l’autre. Nous étions convaincus de pouvoir donner une autre dimension à ce concept avec les éléments acrobatiques acquis par le collectif. Pour cette création nous avions l´envie de laisser un peu de côté la prouesse de la figure acrobatique académique et de la déconstruire en donnant de l’importance au mouvement général de la pièce qui est fait de transformations et de transfigurations permanentes. L’expérience de Rachid sur ces effets de continuum, collait parfaitement à nos ambitions. De même que sa capacité à pouvoir travailler avec de grands groupes nous rassurait…

Et vous Rachid, quels potentiels avez-vous vu dans cette proposition ? 

Rachid Ouramdane : D’une part, la possibilité d’investir une dimension aérienne comme je n’avais jamais eu l’occasion de le faire jusqu’alors. D’autre part, poursuivre un travail sur les liens entre les savoir-faire artistiques extrêmement virtuoses de certaines personnes et tenter de donner à voir en même temps la part d’intime sur laquelle cela repose.

Comme vient de le souligner Alejo, vous avez souvent collaboré avec de grandes compagnies, je pense notamment au Ballet de Loraine ou au Ballet de Lyon. En quoi l’organisation de la Cie XY diffère des « groupes » avec qui vous avez déjà travaillé ? 

Rachid Ouramdane : Les journées de travail avec le collectif sont extrêmement structurées avec une attention au corps de chacun – car leur discipline leur impose d’être au plus haut de leur forme pour ne pas se mettre en danger et ne pas mettre en danger les autres – et une attention particulière à la circulation de la parole. Plusieurs moments dans la journées sont dédiés à des échanges qui réunissent l’ensemble du collectif et où chacun.e s’exprime sur l’évolution de la pièce en travail mais aussi sur le type de rapport qu’il y a eu entre les membres du groupe dans la journée. Une façon d’être attentif à chacun.e pour être sûr que tous puissent contribuer à l’invention collective de la pièce mais aussi je crois pour que chacun.e puisse être en pleine confiance et complicité avec ses partenaires dans une discipline qui ne peut pas se pratiquer sans une intense connivence.

Möbius poursuit une recherche chorégraphique que vous développez depuis déjà plusieurs projets, autour des grands ensembles, de la vitesse et de l’accumulation… Comment avez-vous partagé cette recherche avec l’équipe de la Cie XY ?

Rachid Ouramdane : Au travers de l’écriture pour un grand nombre de personnes et à très grande vitesse ce que j’explore est notre capacité à rester disponible aux autres quand nous subissons des moments qui nous mettent à l’épreuve. Je crois pouvoir dire que dans la pratique de leur art, à des degrés plus ou moins importants, le fait de « confier sa vie » à quelqu’un d’autres est toujours présent chez les acrobates. Si une séquence de mouvement ne se passe pas comme prévu cela peut être fatal. C’est ce qui fait je pense que ces artistes développent une relation extrêmement forte avec leurs partenaires. J’ai essayé dans cette pièce de particulièrement donner à voir cette attention qu’ils ont les un.e.s envers les autres.

Quels ont été les différentes axes de recherches pour Möbius ? 

Rachid Ouramdane : Les phénomènes de murmuration, qui désignent les vols de plusieurs milliers d’oiseaux tournoyant sans heurts dans le ciel ont été un endroit de réflexion et de partage avec le collectif. Le foisonnement, l’apparence désordonnée et pourtant harmonieuse de ce mouvement d’ensemble et un travail que je souhaitais poursuivre et que le collectif abordait lui aussi déjà d’une certaine façon. Le collectif produit des mouvements prodigieux et une part importante du travail à consister pour moi à synchroniser, décaler dans le temps, établir des chaines en réaction qui traversent l’ensemble du plateau et des corps… Et tendre ainsi vers un continuum qui oscille entre un apparent chaos et un sentiment d’harmonie.

Cette collaboration a-t-elle déplacé la pratique de chacun.e ? Le travail avec Rachid a-t-il ouvert de nouvelles dynamiques à l’intérieur du collectif ?

Airelle Caen : Ce travail fut passionnant, il nous a déplacé à plusieurs endroits. Le rapport à la vélocité, aux corps poussés dans de grandes vitesses était très nouveaux pour nous, habitués aux rythmes de nos tempos acrobatiques qui nous semblaient invariables. Nous avons dû chercher comment trouver du calme dans nos figures tout en venant d’une course folle, comment réduire la variable de l’acrobatie et des vols pour l’inscrire dans un flux avec des rendez-vous précis. Le regard de Rachid sur notre acrobatie s’est posé à des endroits que nous ne voyons pas ou plus, happés dans nos recherches. Il se déposait sur des choses où la qualité du touché valait la prouesse réalisée, où la détente du corps en apesanteur valait la quantité de pirouettes. La manière d’écrire cette pièce était aussi une découverte. L’acrobatie est un matériau très long à travailler : nous avons besoin de beaucoup de temps pour nous mettre ensemble, chercher le bon chemin, répéter sans cesse pour que le corps intègre que le mouvement. Cela était un processus très lent en comparaison à la rapidité d’écriture de Rachid et au temps qui nous était imparti. Nous avons donc écrit des séquences en y laissant des « trous » correspondants à nos visées acrobatiques, les figures n’étant pas encore prêtes pour intégrer la partition en cours d’élaboration.

Rachid, en tant que « chorégraphe contemporain », comment cette collaboration a-t-elle déplacé votre écriture, vos outils, votre langage ?

Rachid Ouramdane : Ce qui m’importe dans tous les arts du mouvement est la façon dont apparaît la sensibilité d’une personne au travers de ces gestes et ce que cela nous raconte d’elle. Je dirais que la rencontre avec le collectif m’amène à poursuivre autrement cette réflexion au travers de la notion de « risque conscient » que prennent certaines personnes pour s’exprimer et interpeller le public auquel il s’adresse. C’est un sujet que je creuserai dans le cadre d’une prochaine création intitulée Corps extrêmes.

Le confinement a automatiquement mis en stand-by les répétitions et la tournée de Möbius, plus de 30 dates ont étés annulées ou reportées. Comment ces annulations et reports ont-ils ou vont-ils engendrer sur le long terme des conséquences sur votre compagnie ou vos prochaines productions ? 

Antoine Billaud : Nous traversons un période de crise sans précédent dans notre histoire récente et nous n’avons pas fini d’en subir les conséquences à moyen et longs terme. Au-delà des chiffres et des pertes financières liées au confinement et à l’annulation ou au report des représentations, nous avons plus que jamais un sentiment de précarité. Si nous avançons main dans la main avec les organisateurs vers une reprise d’activité à l’automne, il ne nous est aujourd’hui pas possible de présenter Möbius devant un public en France. Alors même que cet été nous avons été autorisés à jouer à Barcelone… XY est une compagnie de dimension européenne de par les artistes qui la compose et dans ses tournées. L’absence de coordination à cette échelle rend les choses encore plus compliquées. Comme beaucoup, nous naviguons à vue : les dispositifs mis en place pendant le confinement et notamment l’activité partielle ou le prolongement des droits à l’assurance-chômage nous maintiennent à flot et c’est déjà une bonne chose. Le bateau XY est là mais l’horizon est incertain. Ce dont nous sommes sûr c’est que nous ne savons rien. Aujourd’hui les tournées sont moins cohérentes, les périodes d’inactivité plus importantes et nous faisons tout notre possible pour préserver de bonnes conditions de retour au travail. Pour les acrobates il est particulièrement important de travailler régulièrement en collectif pour ne pas perdre les automatismes et de garder une condition physique optimale. C’est la meilleure prévention face aux accidents ou aux blessures. L’essentiel des représentations annulées ont été reportées sur deux années à venir en 2021 et 2022. Nous nous en réjouissons et dans le même temps les artistes devront faire face à une surcharge de travail qui épuise les corps et les esprits. C’est aussi un équilibre à trouver pour éviter les blessures de fatigue et préserver le spectacle. Et puis nous avons aussi le cas des Voyages, cette forme qui se déploie dans l’espace public… Autant dire que l’année 2020 aura vu toutes ces créations annulées mais au-delà, quelle relation allons-nous tisser avec ces publics ? Comment toucher, porter, se laisser porter dans un monde de distanciation ? Möbius, comme Les Voyages affirment la dimension universelle de l’action de porter. Ce rapport à la confiance, à la bienveillance, à la sensibilité et à l’intelligence collective dans le « faire-ensemble ». Plus qu’un rapport, c’est un besoin quasi ontologique de l’être humain. Cette part de notre humanité qui se joue ici et dans les années à venir il faudra l’affirmer haut et fort pour qu’elle ne tombe pas dans une forme oubli.

Möbius, une création de la Compagnie XY en collaboration avec Rachid Ouramdane. Photo © Christophe Raynaud De Lage.