Propos recueillis par Smaranda Olcèse
Publié le 15 février 2022
La puissance explosive du solo JEZEBEL de Cherish Menzo tient à sa manière de mettre en tension les imaginaires et de jouer de leurs charges fantasmatiques, entre attraction et répulsion, pour mieux dynamiter les stéréotypes sur les femmes noires véhiculés par la culture dominante. Portée par une présence magnétique, cette réflexion poignante sur la manière dont notre société invisibilise, stigmatise ou fétichise certains corps, est plus que nécessaire sur la scène hexagonale française. Dans cet entretien, la danseuse et chorégraphe partage les rouages de sa démarche artistique et revient sur le processus de création de JEZEBEL.
Quels désirs et questionnements se situent aux origines de votre création JEZEBEL ? De quelle manière ce projet s’inscrit-il dans votre parcours ?
Je suis partie du constat de certains états de fait et certaines situations que j’ai pu vivre, ou dont j’ai été témoin, dans le milieu de la danse contemporaine au Pays-Bas, concernant le corps des interprètes femmes et l’image d’une sexualité idéalisée sur scène. Il s’agissait également de l’imposition tacite d’un idéal physique avec lequel je ne pouvais pas m’identifier. J’ai ressenti la nécessité de revendiquer, d’assumer et de célébrer (reclaim en anglais : signifie tout à la fois réhabiliter et se réapproprier quelque chose de détruit, de dévalorisé, et de modifier comme être modifié par cette réappropriation. Il n’y a ici, encore une fois, aucune idée de retour en arrière, mais bien plutôt celle de réparation, de régénération et d’invention, ici et maintenant. Reclaim, Editions Cambourakis, 2016, p.22-23, ndlr) mes propres manières d’utiliser mon corps sur scène, de lui laisser prendre l’espace. Je me situe dans une perspective intersectionnelle. J’ai une formation et un parcours en danse contemporaine, mais je n’adhère pas intimement aux références du milieu. J’ai grandi avec MTV, mes références en termes de représentation des femmes se situent donc plutôt de ce côté. J’ai fait également le constat de mon malaise par rapport aux représentations hyper-sexualisées du corps des femmes noires dans la culture visuelle et dans les médias. Une généralisation telle que « la femme noire » ne devrait pas exister, car il y va d’une multiplicité de manières d’être et de devenirs, chacune de nous est à la fois une et multitude. Par ailleurs, juste avant d’entamer la création de JEZEBEL, j’avais performé Sorry, But I Feel Slightly Disidentified…, un solo écrit pour moi par Benjamin Kahn. Cette performance m’a ouvert l’appétit d’être seule sur scène, m’a donné envie d’approfondir ces sensations et d’entamer un nouveau chapitre de mon travail.
Vous orchestrez une mise en friction des imaginaires. Qu’est-ce qui vous intéressait dans la translation, le passage entre MTV et les cultures populaires, et la scène de la danse contemporaine, encore majoritairement habitée par des prétentions de culture élitistes ?
Aux origines il y avait une urgence, une nécessité intime de créer quelque chose de différent, de m’aménager la possibilité de proposer une représentation de mon corps qui me soit propre et d’échapper ainsi aux stéréotypes qui m’étaient imposés. Pendant le processus de création, j’ai élargi mon champ de questionnements : qu’est-ce que la danse contemporaine ? J’avais intégré des normes et des cadres tout au long de mon parcours professionnel. Désormais, je ressentais le désir de me reconnecter avec ce qui me met intimement en mouvement. Mes parents sont originaires du Suriname et mes premiers souvenirs de danse n’ont rien à voir avec des formes, mais avec des rythmes et une certaine sensualité (en deçà de toute connotation sexuelle). Il m’était devenu urgent de m’autoriser sur scène des manières de bouger que je m’étais refusées auparavant de crainte d’être identifiée à certains stéréotypes. Ma volonté d’échapper aux catégories attendues – « elle va nous faire du hip-hop, n’est pas ?!! » – m’avait amenée à développer des formes de résistance et d’être tiraillée par un dialogue intérieur très conflictuel. Avec JEZEBEL, il s’agissait de m’accorder un espace de liberté, de rechercher et d’assumer, dans le processus de création, les mouvements que j’allais emprunter. Il m’est apparu nécessaire de regarder de plus près les stéréotypes et tous ces archétypes concernant la femme noire, de les travailler, les métaboliser, les tordre et créer des matériaux reflétant à la fois mon background et mes affinités en danse contemporaine.
Pouvez-vous exposer, pour un public moins averti, ce que sont que les Vidéos Vixen ? L’idée de travailler à partir de ces figures était-elle présente dès le début de la création ?
Les Vidéo Vixen étaient présentes dès le départ. Ces images font partie de la culture visuelle avec laquelle j’ai grandi, tant elles étaient présentes pendant mon adolescence. À la fin des années 90 et au début des années 2000, la plupart des vidéo clips de hip-hop, rap ou R&B, réalisées avec des gros budgets, mettaient en scène des mannequins, dont l’une tenait le rôle principal et les autres l’accompagnaient. Le schéma narratif des interactions entre les Vidéo Vixen et les rappeurs se réduisait à une représentation sexuelle plus ou moins explicite, véhiculée frontalement par les paroles des chansons, mais aussi par la mise en scène et la manière dont ces femmes étaient habillées. En même temps, tout tournait autour de ces figures féminines, protagonistes sans lesquelles ni les vidéo clips, ni même les chansons ne pouvaient exister. Très convoitées, les Vidéo Vixen étaient devenues des figures incontournables de toute l’industrie hip-hop. Ma préférée était d’ailleurs Lanisha Cole. Avec le recul, j’ai pu remarquer que les chanteuses de rap qui se sont imposées par la suite, Nicki Minaj, par exemple, ont adopté une esthétique très proche de celle des Vidéos Vixen des années 1990-2000. À une différence près : désormais ce sont ces femmes qui ont pris le micro et commencent à faire usage de la parole, n’étant plus reléguées au rôle de jolis corps sensuels. Je me suis demandée ce qu’étaient devenues les Vidéo Vixen de la première heure.
De quelle manière êtes-vous parvenue à réconcilier votre regard critique concernant le côté hyper sexualisé et misogyne de ces vidéo clips, avec l’aveu que les représentations que les Vidéo Vixen incarnaient ont eu une incidence sur votre vision de la féminité, du moins à un certain âge ?
Effectivement, étant baignée dans la culture populaire diffusée par MTV, les Vidéo Vixen ont eu une influence certaine sur ma conception de la féminité à l’adolescence. Nous sortions en boîtes de nuit et en clubs et notre manière de bouger en tant que jeunes personnes était tellement influencée par ces vidéos où les Video Vixen apparaissaient habillées sommairement et mettaient en œuvre une performativité à forte charge sexuelle, la misogynie passant en grande partie par le flot des paroles des rappeurs. Cela a commencé à me paraître problématique lorsque j’ai réalisé que c’était la représentation dominante des femmes noires dans les médias et la culture visuelle occidentale.
Des études féministes se sont emparées du sujet et ont analysé la manière dont certaines stars féminines du hip-hop ont assumé les représentations véhiculées pour les transformer en armes d’émancipation.
Dans des documentaires leur donnant la parole, certaines Vidéo Vixen affirment, au-delà de la misogynie du milieu, leur importance cruciale dans l’existence même de ces produits culturels, aussi bien du point de vue de l’image que de la musique. Dans les années 2000, l’esthétique Vidéo Vixen a été assumée par des rappeuses et chanteuses de musique R&B : Rihanna, Beyoncé, ou encore, de manière plus explicite, Lil Kim, Cardi B et Nicki Minaj, revendiquant la sexualité comme une forme d’empowerment. Au début, en studio, je me suis retrouvée en plein conflit intérieur, tiraillée entre le poids et la prééminence de cette représentation fortement sexualisée, ce type de schéma narratif proposé par les vidéo clips de rap, et le fait de me sentir intimement connectée à ces corps présents à l’image. À la fin du processus de création, j’ai compris que la sexualisation peut être revendiquée pour mieux aborder certains sujets, comme la relation entre celle qui est regardée et celui qui regarde. Aussi, on ne peut pas faire impasse de ce constat : le sexe fait vendre, d’où la facilité qu’il y a d’utiliser la sexualisation comme un outil et une monnaie de change dans la culture pop. Même si les représentations véhiculées par les clips de Cardi B et Nicki Minaj m’ennuient, ces performeuses parviennent à ne plus subir la place assignée d’objet de fantasmes et projections. Mon désir était de m’approprier ce type de déplacement. Mon cheminement a été en conséquence de trouver les manières de me positionner intimement et de m’approprier les références véhiculées par ces rappeuses qui assumaient la sexualisation ouverte. Je pense qu’il faudrait élargir le cadre et considérer ce qui se passe derrière et devant la scène, dans l’audience. Il devrait y avoir de l’espace pour une plus large palette de représentations des femmes noires dans les médias.
Attardons-nous un instant sur les recherches liées au processus de création. Avez-vous travaillé uniquement à partir d’images de Vidéo Vixen ?
Outre les clips de Vidéo Vixen, j’ai regardé beaucoup de vidéos de Missy Elliot : son corps échappe aux stéréotypes et elle est l’une de premières rappeuses à utiliser des insultes (bi*ch, par exemple) de manière revendicative. Ses vidéos très futuristes ont ouvert mon imaginaire sur ce qu’il était possible de faire sur une scène. Cette artiste a eu une énorme influence sur la manière dont j’écoute la musique et je travaille avec l’imaginaire et la performativité. Pour revenir aux vidéos clips « classiques », je ne me souvenais pas qu’elles étaient si flagrantes ! J’ai été saisie par la crudité des paroles et des images des versions explicites, vouées, à l’époque, à une diffusion télé tard dans la nuit. J’ai essayé de comprendre les ressorts de l’interaction entre rappeur et Vidéo Vixen. Ces produits culturels captent l’attention par le rythme, la mélodie, mais, en prêtant mieux l’oreille aux paroles, j’ai réalisé comment de manière inconsciente les ados de mon âge et moi, nous avons été imprégnés par les connotations véhiculées par ces propos. Il s’agit d’outils de formatage très puissants. Cela m’a également aidé à comprendre comment je peux utiliser la parole dans la performance, comment distiller des idées. Je me suis inspirée de la manière dont j’écoutais la musique, dans un premier temps sans accorder d’importance aux propos, pour ensuite, petit à petit, parvenir à comprendre ce qui est dit. D’ailleurs, j’utilise dans JEZEBEL les paroles d’un morceau de Bravehearts – le rythme est très chouette, mais à mieux écouter, la chanson va loin dans les détails très crus. Je me suis également attardée sur les rappeuses noires, comme Queen Latifah ou Missy Elliot, qui ont œuvré de manière émancipatrice. Je me suis rendue compte qu’à l’époque, je ne les avais pas assez vues et écoutées. Au fil de ces recherches, mon désir s’est précisé : il me fallait créer tout un univers autour de Vidéo Vixen, tordre ces figures, les décadrer, les libérer des codes. J’ai ainsi commencé à jouer avec ces questions : et si elles étaient des cyborgs ? Quelle forme pourrait prendre leurs avatars futuristes ? Comment serait ma protagoniste Vidéo Vixen du futur ?
Vous vous êtes appropriée en tant que chorégraphe des techniques employées dans la culture musicale rap et hip-hop. Comment cela s’est produit concrètement en studio ?
J’ai fait des expériences avec des logiciels de traitement du son, à la recherche d’effets souvent utilisés dans la musique rap et hip-hop. J’ai repris à mon compte le choped and screwed – technique de remix lancée dans les années 90 par DJ Screw à Huston Texas, consistant en un ralentissement du tempo entre 60 et 70 battements par minute, le scratching, le stop time, ou encore la production d’une version hachée. Maintenant ces procédés sont devenus monnaie courante, mais à l’époque, cela tenait de la performance live, lors de dj sets pouvant conduire à des morceaux super étirés, ralentis, distendus. Ces manières de faire pouvaient avoir un effet de miroir agrandissant également pour les paroles qui, de par le ralentissement du rythme, étaient mieux articulées et devenaient encore plus prégnantes. Toutes ces techniques se sont glissées dans la trame de JEZEBEL, lui donnant sa texture particulière. Je souhaitais façonner un objet étrange, étonnant, déstabilisant, à partir de références partagées et accessible au plus grand nombre.
Jézabel est présentée dans la tradition biblique comme une femme séductrice et tyrannique. Qu’est-ce qui se cache derrière le choix de ce titre pour votre création ?
La traite négrière et la longue histoire de l’esclavage ont façonné trois archétypes de la femme noire : Jezebel*, qui donne le titre de ma création, incarne une imagerie hyper-sexualisée. Sapphire* est chargée de l’image de la colère, de la rage. Quant à la Mammy*, dame corpulente, un sourire fiché constamment sur le visage, elle apparaît encore sur certaines publicités de l’industrie alimentaire. Ces stéréotypes se sont reproduits et déterminent toujours les manières dont nous interagissons, stigmatisons ou fétichisons certains corps.
Vous avez tissé la trame de votre création à partir de ces archétypes. Pourriez-vous nous partager quelques détails sur votre façon de travailler les rythmes ou les transitions. Je pense notamment aux passages d’une figure dominante à une autre.
Ces archétypes véhiculés sur les femmes noires m’ont conduit à proposer trois paysages dramaturgiques. Le premier est placé sous le signe de Jezebel*. Il est travaillé par l’hyper-sexualisation. Le domaine de la Sapphire* m’a posé davantage de questions : je souhaitais permettre à cette femme folle de colère de se montrer vulnérable. Je voulais déconstruire son image, lui donner de la profondeur et du contraste. Quant à la troisième figure, la Mammy*, très enracinée dans l’imaginaire occidental, je souhaitais l’amener vers des traits futuristes. Ces différents paysages imaginaires s’entretissent dans cette création. Ensuite, comme j’adore les techniques choped and screwed, j’ai travaillé ces matériaux par des distorsions, des ralentis, des étirements jusqu’à l’absurde, des silences. Pour la distorsion de la voix, j’ai utilisé un down pich, mais aussi un harmonisateur, pour obtenir ces effets de multiplicité, sortir de la dichotomie masculin / féminin. J’ai joué à brouiller les pistes. À tout moment, le spectateur peut se dire : « je reconnais ! » et puis finalement, « non, c’est exagéré ! ». « C’est une Vidéo Vixen » / « non, pas tellement ». « C’est du twerk » / « non, c’est trop long »… J’embarque dans un voyage au terme duquel je suis amenée à proférer, sous le signe de la Sapphire*, un rap entravé, bégayant, un flux de paroles heurté qui m’épuise.
Votre performance joue des métamorphoses, les représentations hyper-sexualisées se frottent à des figures troubles, androgynes.
C’était la première fois que je m’autorisais sur scène cette forme d’androgynéité qu’on m’attribue par ailleurs. J’y suis arrivée en poussant dans leurs retranchements les performances des rappeuses. Je me suis délectée à imaginer que, de manière ironique, les Vidéo Vixen étaient déjà en train de prononcer les paroles qu’allaient chanter plus tard les Nicki Minaj ou autre Cardi B. Comme si, depuis leur place assignée, réduites à leur image, elles commençaient à mâcher les mots des rappeurs pour prendre l’avant de la scène. Mon parti pris était de bouger le curseur entre les différentes représentations stéréotypées homme / femme, accentuer certains éléments, les pousser à outrance pour les dévêtir de leur aspect plaisant, agréable, facile, et les montrer de manière ironique, étrange ou dérangeante. Jouer avec le silence me permettait de changer de focale, de mettre à certains moments l’accent sur le corps. J’ai adoré amplifier et monter le volume, pour montrer l’ambivalence homme / femme et le devenir rappeuse de la Vidéo Vixen.
Les faux ongles, la dentition en or, la fourrure, le costume gonflable … Le travail des accessoires distille l’étrange et l’inquiétant, dessine les traits mouvants d’un être qui se transforme, brouille les pistes, ainsi que les formes du corps, évoque peut-être la figure de la sorcière ?
Je me suis approprié l’esthétique de la culture populaire du rap et du hip-hop : les grosses chaînes, mais surtout les fausses dents en or. Je suis fascinée par ces implants qui semblent littéralement matérialiser l’idée de la valeur des mots qui sortent de la bouche ainsi augmentée du rappeur. Cette dentition en métal prend pour moi également des connotations futuristes, de cyborg. Par ailleurs, en studio c’était très amusant de jouer avec ces dents. Quant au gros manteau en fourrure, en tant que symbole de richesse, j’ai essayé de l’exagérer davantage, jusqu’à produire un renversement de son sens, de sa qualité. La capuche en fourrure qui m’engloutit, m’avale, me permet de me transformer en une sorte de figure mythologique. J’ai beaucoup joué avec ces références, ces images facilement identifiables, pour les transformer et les charger d’autres potentialités. Les longs faux ongles sont également des éléments d’une imagerie très stéréotypée. J’ai choisi de ne pas les colorier pour qu’ils puissent davantage ressembler à des griffes, des cornes ou des os. Quant au costume gonflable, l’idée m’est apparue en regardant un vidéo clip de Missy Elliot. Je souhaitais transformer la Mammy*, proposer d’autres formes, déconstruire le cliché. En travaillant avec ce costume en studio, je me suis rendue compte qu’il me permettait de produire plein de formes différentes, qu’il était à même de m’avaler, de me faire réémerger. Ce costume gonflable me permet d’incarner sur le plateau quelque chose d’afro-futuriste, qui va dans le sens d’une prise littérale de l’espace que cette créature fantasmatique essaie de nettoyer des souvenirs et influences sombres du passé.
L’écrivaine et activiste lesbienne noire américaine Audre Lorde mettait en garde sur la nécessité de s’auto-définir dans ses propres termes, sous peine de se voir dévorée et broyée par les fantasmes et les représentations des autres. Jouer à s’exposer, attiser le voyeurisme, invoquer les fantasmes, regarder les regardeurs. Parlez-nous des multiples déclinaisons de la relation que vous instituez avec l’audience de JEZEBEL.
Le dispositif de cette création est très frontal, mais les situations restent ouvertes, car la plupart du temps, je cache mon visage. Ce que je fais avec la bouche et la fausse dentition en métal est très explicite, du sale qui devient beau ou monstrueux, grâce aux lueurs du filet de salive. Les spectateurs sont conduits à s’interroger sans cesse sur leur position voyeuriste. Ils peuvent glisser dans leurs fantasmes. Et se font rattraper. À deux moments dans la pièce, je décide de travailler la prise de conscience et je regarde en face l’audience, une manière pour moi d’expliciter le fait qu’en tant que performeuse, je joue avec cette hyper-sexualisation de Vidéo Vixen. Pourtant, je ne souhaite surtout pas donner des leçons, ni dire aux spectateurs ce qu’ils devraient penser, comment ils devraient se positionner. En occultant mon visage, en travaillant de dos pour mieux dissocier émotions et chair, en me laissant avaler par le manteau en fourrure, je cultive l’ambiguïté, j’invite le doute à s’instiller : chacun est amené à se demander : « Tout cela m’est-il vraiment adressé ? Me permet-elle finalement de la regarder ? » Je me refuse à designer une unique manière d’être regardée. Je laisse les spectateurs naviguer, négocier avec leurs doutes et leurs fantasmes.
* Note de la traductrice : les termes définissant les stéréotypes de la femme noire figurent volontairement en Anglais, les études postcoloniales en France n’étant pas encore parvenues à dégager et à mettre en circulation un lexique correspondant dans la langue française.
Concept, chorégraphie et performance Cherish Menzo. Lumière et coordination technique Niels Runderkamp. Musique Michael Nunes. Vidéo Andrea Casetti. Costumes Daniel Smedeman. Dramaturgie Renée Copraij. Coach vocal Shari Kok-Sey-Tjong. Photo © Bas de Brouwer.
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